Waiting for the Barbarians : Faut-il regarder ce film avec Johnny Depp, Mark Rylance et Robert Pattinson sur Canal+ ?

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Diffusé sur Canal+ ce samedi 10 juillet à 21h04, Waiting for the Barbarians a été relativement peu médiatisé à sa sortie en VOD en août dernier. Un peu surprenant quand on sait qu’il met en vedette Johnny Depp, Robert Pattinson et Mark Rylance (Dunkerque), et qu’en plus, il s’agit d’une adaptation du célèbre roman de J. M. Coetzee du même nom.

Waiting for the barbarians avec Mark Rylance, Johnny Depp et Robert Pattinson

L’accueil mitigé qu’il a reçu à la Mostra de Venise, ainsi que les accusations de harcèlement et d’agression sexuels portées contre le réalisateur Ciro Guerra (L’Étreinte du serpent), qui était nommé aux Oscars, ont probablement nui à ses débuts. Mais peut-être s’agit-il d’un diamant brut ?

De quoi parle Waiting for the Barbarians ?

Dans un avant-poste sans nom situé dans un territoire désertique asiatique sans nom, un magistrat sans nom (Mark Rylance) passe son temps à superviser un campement paisible par le biais d’une bureaucratie fastidieuse. Vous savez, compter des choses qui n’ont probablement pas besoin d’être comptées et écrire le nombre, des choses comme ça. S’il y a un conflit entre deux fermiers à propos d’une clôture et d’un cochon volé, il fera office de médiateur, et cela fait une journée bien remplie. Son passe-temps est de trouver des artefacts des peuples locaux, de les dépoussiérer et de les étudier comme un archéologue amateur. C’est un homme solitaire qui rend occasionnellement visite à la courtisane locale, et on dirait bien qu’il se sent tout triste et coupable à ce sujet. C’est vraiment un type sympa. Je l’imagine dans une autre vie comme un gentil grand-père en pantoufles, fumant sa pipe et berçant un enfant sur ses genoux.

Un jour, un carrosse de luxe arrive aux portes de l’établissement avec à son bord le colonel Joll (Johnny Depp), qui a un sérieux air de Gestapo sociopathe. Le colonel Joll s’inquiète des « barbares » qui vivent sur les terres que la Grande-Bretagne doit conquérir sans autre raison que la supériorité divine ou autre – ce n’est pas précisé, mais c’est en fait assez clair. Le magistrat est un homme gentil avec un mode opératoire « vivre et laisser vivre » que Joll trouve aussi répugnant que du caca dans votre soupe. Joll part avec ses hommes et revient avec des prisonniers « barbares ». Ils sont en sang et sales ; un homme a eu les yeux arrachés. Ils ne font que suivre les ordres, dit Joll, qui a probablement menti, ou du moins les a interprétés à travers le prisme d’un être humain crétin et merdeux. Dès que Joll est parti, le magistrat a fait libérer les prisonniers.

Quand l’hiver arrive, il voit une mendiante pathétique dans la rue. C’est une fille (Gana Bayarsaikhan), sans nom bien sûr, une des anciennes détenues. Il la recueille. Elle a été aveuglée par une méthode inimaginable, ses chevilles ont été fracassées, son dos est grotesquement marqué. Il lui masse tendrement les pieds, la nourrit d’une sorte de boue anglaise incolore (du porridge, je parie), lui lave les cheveux. Il a l’air d’être amoureux. Elle ne répond pas vraiment à sa gentillesse. Elle est traumatisée. C’est juste un autre type de prison pour elle. Elle fredonne une chanson de chagrin. Il accepte de traverser le désert pour la ramener à son peuple, pensant naïvement que tout se passera bien. Et il semble inévitable que Joll revienne un de ces jours pour affirmer que ce type de gentillesse ne sera absolument PAS toléré.

Notre avis sur Waiting for the Barbarians

Le décor aride et la sous-utilisation gratuite des talents de Robert Pattinson rappellent le mauvais film de Werner Herzog, La Reine du désert. En revanche, Mark Rylance a une méthode d’interprétation si riche qu’elle peut transformer un film plutôt statique, au rythme hésitant, comme celui-ci, en une étude de caractère intéressante. Mais en fin de compte, il n’y a pas assez dans ce scénario pour donner vie au magistrat à plus des deux tiers.

Ciro Guerra met l’accent sur le rythme tranquille de la vie dans la frange la plus fringante de l’Empire britannique, et s’il n’y avait pas Mark Rylance et sa présence majestueuse et compatissante, Waiting for the Barbarians serait une sieste merveilleusement photographiée. Je n’ai pas lu le roman, je ne peux donc pas me lancer dans des conjectures quant à ses intentions, mais le film comporte une composante philosophique digne de Guffman qui s’entremêle à un exposé sur les échecs moraux flagrants de la partie du diagramme de Venn où le colonialisme et l’impérialisme se chevauchent. On parle beaucoup de l’arrivée des barbares, même s’ils n’arrivent jamais vraiment, et s’ils n’arrivent pas, eh bien, les autorités britanniques vont les faire venir en torturant inutilement leurs citoyens. Et dire que ces hordes nomades non blanches et lunatiques avaient appris à vivre avec ce petit fort caucasien dans le désert et évitaient généralement les effusions de sang. Quelle façon ridicule de vivre !

Il est certain qu’il y a des idées en jeu ici, des idées sur la xénophobie et le racisme que le film réduit en poussière à coups de marteau et illustre avec des représentations de torture misérablement gores. Le film est émaillé d’un peu de « Deppitude » à la limite du ridicule, l’acteur cascadeur en série jouant un méchant stoïque caricatural qui dégage quelques molécules de malice et encore moins d’inspiration. Robert Pattinson apparaît à la fin du film dans le rôle d’un officier britannique abruti, un rôle qui ne lui demande presque rien. Le troisième acte offre un peu de tension, se manifestant par le sentiment que nous sommes sur le point d’assister à des démonstrations de cruauté abjecte. Heureusement, une partie de celle-ci est laissée à l’imagination, ce qui est à peu près aussi subtil que le film puisse l’être.

Si vous avez envie de voir Waiting for the Barbarians, rendez-vous ce soir, samedi 7 juillet à 21h04 sur Canal+. Vous pourrez également le voir en replay sur MyCanal.

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